L’ars dictaminis et la poésie: questions théoriques et pratiques (XIe-XIVe s.)

Ars dictaminis and poetry : theoretical and practical questions (11th-14th centuries)

Autores

DOI:

https://doi.org/10.18817/brathair.v20i1.2442

Palavras-chave:

retórica

Resumo

La discipline rhétorique médiévale de l’ars dictaminis est justement fameuse pour avoir été un quelque chose de différent de la rhétorique classique. Elle fut conçue et employée principalement pour l’écriture, non pas de discours, mais de lettres dont l’échange formait une part importante de la communication politique et personnelle aux XIe-XVe siècles. Dans la quasi-totalité des cas, les traités théoriques présentent les recettes pour écrire ces lettres en prose, et la grande masse des dictamina  (textes obéissant aux lois de l’ars dictaminis) qui appliquèrent ces recettes conservées sont écrits en prose. Le Moyen Âge a bien sûr connu l’écriture des lettres en vers, selon le modèle des Héroïdes d’Ovide, mais la théorisation de l’écriture en vers aurait plutôt relevé de la discipline voisine de l’ars poetriae. Le présent article tente de faire le point sur la question des rapports entre l’ars dictaminis et la poésie, en montrant que les choses sont en fait beaucoup plus complexes. D’une part, les traités insistent très souvent sur le fait que le dictamen prosaïque n’est qu’un des trois rameaux des « genres rédactionnels » (genera dictandi), dont les deux autres sont la poésie métrique et la poésie rythmique. Or le rapport entre ces trois genres n’est pas seulement classificatoire : la prose de l’ars dictaminis était une prose rythmée, et son enseignement comme sa pratique dépendait de la connaissance de la poésie métrique et rythmique. D’autre part, de très nombreuses interconnections existent entre la pratique de la poésie et celle de l’ars dictaminis, tant d’un point de vue théorique que pratique.  Il existe une large intersection entre les artes poetriae et les artes dictandi (traités théoriques), et de nombreux traités hybrides. La prose rythmée est parfois conceptualisée comme une sorte de poésie. Au niveau de la pratique, les rédacteurs créent souvent des lettres prosaïques qui entretiennent un rapport complexe avec la poésie, soit par l’insertion de citations de classiques poétiques, soit par des procédés (prose cadencée et assonancée, par exemple) qui rapprochent leurs textes de la poésie. En définitive, l’étude conjointe de la théorie et de la pratique de l’ars dictaminis suggère que pour ses inventeurs et ses praticiens, la prose rythmée de l’ars était plus proche de la poésie que de la « prose simple ».

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Publicado

2020-12-31

Edição

Seção

Dossiê 2020.1 - Rhetoric Turn and Medieval History